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« Bonjour Angilbe. Comment allez-vous ?
Je vais, chère Calande, je vais. C’est déjà beaucoup, merci à vous. »
Le contre-amiral ferma la porte derrière lui et s’installa dans le fauteuil de cuir, face à sa psychologue. Ce rituel devenait naturel à force de séance et les doutes et appréhensions des débuts, la suspicion même dont il faisait preuve envers la jeune femme, s’étaient évanouis, laissant place, progressivement, à un réel attachement. Aussi incroyable que cela paraisse, Poféus appréciait ces rendez-vous et encore plus cette petite femme brune, aux cheveux courts et aux tailleurs strictes et impeccables.
Calande buvait consciencieusement son thé au jasmin, un autre élément du rituel, avec la petite cuillère et le morceau de sucre unique. Elle reposa la tasse sur la table, les yeux à moitié clos, profitant de quelques secondes de répit. Puis de grands yeux à la profondeur infinie se levèrent sur le contre-amiral. Celui-ci sentit cet agréable tressaillement tant attendu remonter le long de son épine dorsale.
« Alors Angilbe, pouvons-nous reprendre là où nous en étions resté la dernière fois ?
Bien sûr. J’ai malheureusement eu quelques sautes de réalité, à nouveau, cela commence d’ailleurs à s’ébruiter. Je suis obligé de faire tourner le personnel de maison plus rapidement. Dites-moi… Calande… progressons-nous ?
Je l’ignore, Angilbe, je l’espère sincèrement. Le fait de ressortir enfin vos souvenirs profonds vous oblige à faire appel à certaines parties inhabituelles de votre mémoire, peut-être est-ce justement cela qui active vos sautes de réalité.
Vous ne vous souvenez pas de notre dernière séance ?
Pas de la fin en tout cas. Nous parlions de ma.. de MĂ©hala.
Alors sachez que vous m’avez serré la main très fortement. Je me doutais que vous étiez dans une de ces phases de déconnexion, appelons-les comme cela.
Pardon ? Mais je… je m’excuse, je ne voulais pas…
Ne vous inquiétez pas. Ce n’était pas douloureux, presque touchant je dirais. Lorsque je me suis levé vous sembliez être revenu à la normale, apparemment en tout cas. C’est à moi de m’excuser, je n’aurais pas dû vous laisser seul dans cet état. Si cela se reproduit, je resterai  à vos cotés, le temps nécessaire.
Oui… merci… »
Le contre-amiral se serait caché sous le fauteuil, s’il l’avait pu sans se ridiculiser. Mais jusqu’où ces « déconnexions », comme on devait les appeler maintenant, allaient-elles le pousser ? Ne risquait-il pas de blesser quelqu’un, de la meurtrir elle dans une de ces crises ?
Le jeune femme posa son bloc sur l’un des accoudoirs, et, lentement, se pencha. Elle saisit la main droite du militaire, crispée contre son propre fauteuil. Doucement, elle dénoua les doigts, un à un, allant jusqu’à masser l’intérieur de la paume. Pourtant ses yeux ne quittaient pas ceux de son vis à vis, perçant ses barrières, pénétrant là où même les mentaux ne pouvaient aller.
« Angilbe, je suis ici pour vous aider. La dernière fois, nous avions parlé de vous accompagner dans les recoins de votre esprit, de partir ensemble à la recherche de ce qui vous tourmente tant. N’ayez pas peur de vous, n’ayez pas peur pour moi, vous n’êtes pas un homme méchant et cela, toutes nos séances l’ont amplement prouvé. »
Poféus était pétrifié. Le contact doux et chaud de ses mains, ses paroles apaisantes, hors de toute logique psychologique, cette bouche si sensuelle, cela… l’effrayait, le fascinait, l’attirait, le repoussait ! Jamais, il n’avait ressenti un tel sentiment, jamais. Sauf peut-être…
« Allez-y, Angilbe, vous êtes prêt.
Je… J’aimais tant Méhala. Je l’aimais, et une fois la surprise passée, peu m’importait qu’il fût un homme ou une femme ou quoique ce soit d’autre. C’était.. c’était fort, voilà .
Donc vous avez poursuivi votre relation, mais cette fois en assumant sa différence. Vous sentiez-vous différent vous aussi ?
Oui. Non. Je l’ignore. Peut-être l’avez-vous vécu, ou certainement qu’un de vos patient vous l’a déjà décrit. Je l’aimais pour elle, pour ce qu’elle était dans son esprit. Il n’y avait aucun désir spécialement homosexuel, juste une notion de partage, de plaisir, d’échange…
…de s’offrir…
… heu… oui c’est cela, de s’offrir. »
Petit silence entre eux. Qu’est-ce qui avait changé depuis la première séance ? Il parlait toujours de lui et de ses pensées profondes, juste avait-on repoussé les limites du superficiel.
Pourtant…
« Mais que s’est-il donc passé, ensuite ?
La sœur de Méhala, Icnal, une fille un peu plus jeune, une femme réelle, si j’ose dire, était amoureuse de moi en secret. Personne ne s’en était rendu compte, sauf peut-être Méhala, mais inutile de vous dire combien la relation entre les deux enfants de la famille n’étaient pas simple. Un jour, dans une crise de jalousie, elle décida de tout avouer au chef de la famille Poféus..
De tout avouer ?
Oui, la perversion de Méhala, mon choix pour une sexualité tordue, le..
Arrêtez, Angilbe. Ne présentez pas cela comme quelque chose d’anormal. Vous ne le saviez pas, et pour le choix de votre cœur vous avez été au-delà des a priori. Ce n’est pas tordre la réalité que de donner une preuve d’amour à celui que l’on aime.
… Merci Calande. Malheureusement, mon père, lui, homophobe convaincu, n’était pas de cet avis ouvert, voyez-vous. »
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Prod: PodShows
RĂ©a: Raoulito
Relecture: Arthur, Kwaam
narration: Anna
Acteurs:
Poféus: Pof,
Calande Rorrée: Coupie
Compo: Ian, Cleptoporte
Montage: Raoulito
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