Red Universe Tome 1 Chapitre 5 Episode 3

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Stuffy déjeunait, attablé derrière une cabane à frite dans une banlieue qui n’était même pas celle de la capitale, mais plutôt à la périphérie d’une ville moyenne.

De toutes façons cela valait mieux, certes la capitale offre plus de recoins et de contacts, mais à l’inverse on peut toujours vous débusquer en ville, tandis que dans la campagne c’est tout de suite plus complexe.

Il se trouvait maintenant à plus de 100km de la centrale pénitentiaire, et malgré l’alerte qui a surement été donné depuis longtemps, Stuffy était confiant de ne pas être suivi. C’est tout le drame des agents entrainés: une fois échappés, il devenait très difficile de les localiser, ceux-ci étant justement préparés à disparaître aux yeux de tous.

En quelques tours de main il s’était métamorphosé le visage et la tenue: un peu plus gros, plus petit, le teint plus sombre, une moustache et les cheveux plus clairs. Il avait même trouvé dans une salle de bain malencontreusement ouverte une paire de lentilles de contact couleurs et du fond de teint!

Les excréments d’un animal non identifié avaient fini de peaufiner son apparence, et c’était même des policiers qui en ce moment lui offraient un repas, l’ayant ramassé qui mendiait en ville.

Installé tranquillement sous un parasol ( il savait combien les satellites devaient scruter toute la région en ce moment ), Stuffy réfléchissait à ses prochaines 24 heures. Elles étaient vitales pour assoir son évasion: une fois ce temps passé, les statistiques étaient souvent en faveur de l’évadé, donc il allait bien falloir demander de l’aide !

Mais alors il devenait difficile d’Ă©viter LA question: qui a trahis ?! Et s’il se tournait vers les mauvaises personnes?

Il se laissa aller contre son siège en plastique, qui lui paraissait extrêmement confortable après le ciment de sa prison, et regarda l’écran de télévision accroché au plafond de la friterie. Un grave accident avait fait dérailler un train, et une centaine de morts était à déplorer: c’était un nouvel accident dramatique parmi la recrudescence de ces derniers mois.

On pouvait compter les trois ou quatre grosses catastrophes de ce type: c’était soit des moyens spectaculaires de se dĂ©barrasser d’opposants se croyant en sĂ©curitĂ© dans une foule ( bateau, avion, train.. ) ou alors une des mĂ©thodes de mise en place de la peur organisĂ©e par le ministère de la sĂ©curitĂ©. L’objectif Ă©tant de mettre en place un climat de soupçon, d’insĂ©curitĂ© et de rejet les uns des autres.

Enfin il était possible que cela soit un vrai accident involontaire, lié aux mesures radicales de libéralisation à marche forcée dans laquelle s’était lancé le gouvernement Castiks: elles entrainaient l’abandon de mesures de sécurités et la réduction de personnel pour des raisons budgétaires..

Peu de temps avant son arrestation, Stuffy avait eu accès aux chiffres cachés des statistiques d’accidents dit “limités”: c’est à dire ne coûtant la vie qu’à “moins de 3 personnes “ et c’était accablant!!

Non seulement on avait dĂ©passĂ© les 3 millions de morts en quelques mois sur Mater One mais plus d’un tiers des “accidents” Ă©taient signĂ©s de la brigade SpĂ©ciale du ministère, celle des assassinats! A l’Ă©chelle planĂ©taire, le pouvoir s’était lancĂ© dans une campagne de terreur qui ne s’exprimait pas! On avait peu Ă©voquĂ© – pour l’instant- les “ennemis de l’intĂ©rieur” ou les “contre-rĂ©volutionnaires” mais cela allait venir tĂ´t ou tard. Syndicalistes, journalistes, hommes politiques, intellectuels, artistes: aucune retenue, aucune pitiĂ©.

Devant l’afflue de travail, on avait embauchĂ© des hommes de la Pègre ou d’anciens bourreaux du prĂ©cĂ©dent pouvoir qui remettaient leurs talents au service .. Des ennemis d’hier.

Bien sĂ»r les mĂ©dias Ă©taient totalement mis aux pas, mais bien plus grave que cela, les 347 chaines de tĂ©lĂ©visions et les milliers de chaines de radio Ă©taient pilotĂ©es Ă  distance par le Pouvoir. L’exercice Ă©tait nommĂ© “propagande subtile”, il change un dĂ©tail ici, ajoutait un Ă©lĂ©ment par lĂ , minimisait ici une information pour faire ses gros titres d’une autre lĂ -bas. Un système dĂ©sormais bien rodĂ© et c’Ă©tait le service MĂ©dia qui s’en occupait.

Stuffy avait déjà rencontré des officiers de ce service: plusieurs d’entre eux étaient producteurs de télévision ou de cinema et avaient la main haute pour sélectionner ce que le peuple devait recevoir et aimer. Plutôt que de promouvoir sa culture et son questionnement, offrons des jeux stupides avec des millions à gagner, exaltons les basses couches de l’esprit humain avec le sexe, la violence et surtout avant tout: avec l’absence absolue d’exercice de la conscience politique.

Le patron de la friterie changea de chaine, et l’image d’une jeune femme appétissante en maillot de bain, soit-disant abandonnée sur une ile sans ravitaillement, éclipsa les wagons écrasés et leurs occupants sacrifiés.

Stuffy cracha par terre, se leva et parti vers la forĂŞt, saluant au passage les deux policiers.

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