Red Universe: T1 Chapitre 13 Episode 11

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Le feu de l’âtre crĂ©pitait, les flammèches se lovant tout autour des formes rougeoyantes du bois, poursuivant leur oeuvre de dĂ©composition des buches dĂ©posĂ©es au centre du foyer. Ce spectacle Ă©tait d’autant plus fascinant que le Contre-Amiral s’étonnait de ne plus ĂŞtre restĂ© simplement attentif Ă  quelque spectacle depuis longtemps, son esprit Ă©tant toujours actif Ă  Ă©chafauder analyses et thĂ©ories, complots ou parades. Un petit morceau de charbon incandescent se dĂ©tacha de la masse et tomba sur le sol; roulant contre la grille de protection, il termina sa course en une gerbe d’Ă©tincelles fĂ©Ă©riques. On toqua Ă  la porte : le thĂ© Ă©tait prĂŞt. Un serviteur posa professionnellement tasses, sucrier et thĂ©ière, faisant couler plusieurs fois le bouillant liquide ambrĂ© entre le rĂ©cipient et un verre, prĂ©vu Ă  cet effet. En suivant la manoeuvre souple et prĂ©cise, PofĂ©us croisa le regard de la praticienne et se surpris Ă  dĂ©tourner le sien. Le visage de cette femme Ă©tait une image trop sereine, ses yeux Ă©taient trop profonds, trop analytiques. L’Histoire est emplie de ces personnalitĂ©s capables de paraitre si neutre qu’elles en dĂ©sarmaient leurs adversaires pour mieux les abattre par traitrise !

La fenêtre étouffa un coup de tonnerre venu du dehors et la pluie résonna d’autant plus fort qu’elle était devenue une belle averse. Le serveur conclu son office puis déposa délicatement deux serviettes fines, de chaque coté de la table, avant de se retirer à pas de loup. Poféus ne pouvait rester silencieux plus longtemps, et tous deux le savaient.

“ Comme je vous l’ai dit, ma compagnie n’est guère distrayante… ” commença-t-il  en prenant deux sucres qu’il noya dans sa tasse Ă  l’aide d’une petite cuillère, “ Je vous imagine plus… prolixe en la matière. Votre mĂ©tier doit vous offrir quelques anecdotes dignes d’Ă©gayer ce genre de moment, je prĂ©sume ?

  • Amiral, vous n’ignorez pas que ma profession relève du secret mĂ©dical. ” Elle lâcha un unique sucre dans son thĂ©, tournoyant astucieusement sa cuillère pour le dissoudre plus facilement, puis elle poursuivit dans un sourire moins convenu: “Donc mĂŞme sous le sceau de l’anonymat, je n’aurais, en aucune manière, le droit d’aborder mes rencontres avec quelqu’un qui ne serait pas dans un cadre purement professionnel, tel un confrère par exemple.” La psychologue porta alors le thĂ© Ă  ses lèvres et, du bout de celles-ci, en but quelques goutes, testant ainsi la concentration en sucre. Visiblement satisfaite, elle reposa la tasse sur sa soucoupe, se contentant d’envelopper Ă  nouveau PofĂ©us de son regard profond. “Evidement comme vous ĂŞtes Ă  la tĂŞte d’un des meilleurs service de psychologie de la planète, je veux parler des Affaires Mentales, et que vous n’ĂŞtes pas un patient, je dois pouvoir me laisser aller Ă  raconter quelque petite expĂ©rience des plus passionnante. Accordez-moi simplement de ne pas donner de nom ?
  • Bien entendu” rĂ©pondit le Ministre, croisant les bras en s’installant plus profondĂ©ment dans son fauteuil, “Allez-y, nous avons un peu de temps, comme je crois vous l’avoir dĂ©jĂ  dit”
  • Vous me l’avez dit, en effet…” Elle reprit sa tasse et en avala une plus grande gorgĂ©e, fermant les yeux, dĂ©glutissant doucement, comme pour mieux laisser au Jasmin le temps d’imprĂ©gner ses papilles. “Mmhmm, le savoir-faire de votre domesticitĂ© est Ă  la hauteur de votre fonction, Amiral, ce thĂ© me rappelle rĂ©ellement ma jeunesse au bled. Dites-moi, je n’ai trouvĂ© nulle trace de votre prĂ©nom dans les notes officielles ? On ne parle que de votre grade, votre fonction ou votre nom de famille.
  • Oui, je n’aime pas que l’on soit familier avec moi, je l’ai fait effacer systĂ©matiquement.
  • Je vous comprend : partager son prĂ©nom c’est souvent donner aux autres une sorte de passeport pour son intimitĂ©. Le soumettre ou non, est dĂ©jĂ  une affaire de choix de vie.
  • Croyez-vous ? Vous vous nommez Calande, m’avez-vous dit, et c’est d’origine Brune si je ne m’abuse. Pourtant je n’ai aucune entrĂ©e spĂ©ciale pour votre esprit. Mes Mentaux sont bien plus efficaces Ă  ce jeu, croyez-en mon expĂ©rience.” Ne venait-il pas de tomber dans un piège ? Lorsque l’on ouvre une entrĂ©e, on peut empĂŞcher les gens d’y pĂ©nĂ©trer, ou justement les laisser en passer le seuil, car mĂŞme sur leurs gardes, ils sont dĂ©sormais dans votre territoire ! “ Vous me parliez d’une anecdote amusante, je vous Ă©coute Madame RorrĂ©. ”

Le sourire de la praticienne s’accentua légèrement avant de se reprendre. Baissant les yeux, elle se tapota délicatement la bouche avec la serviette, puis le perça à nouveau de son regard. Poféus sentit alors une sueur glacée lui parcourir l’échine : qui est le chat et qui est la souris ici ?

“ En effet Amiral. ” RĂ©pondit-elle sobrement, puis Ă  son tour, elle s’installa plus profondĂ©ment dans son fauteuil, croisant ses doigts sur le ventre en une attitude rappelant certaines anciennes divinitĂ©s tropicaliennes. “ C’est un de mes patients, une personnalitĂ© de premier plan, une personne qui, permettez-moi d’insister sur ce fait, est prĂ©cĂ©dĂ©e d’une rĂ©putation de fermetĂ© et… de puissance (vous seriez surpris, Amiral, de savoir combien il peut ĂŞtre intimidant d’aller au devant de quelqu’un comme cela). Et lorsque l’on creuse un peu, lorsqu’on laisse ce personnage s’imposer devant vous, on dĂ©couvre un ĂŞtre humain, torturĂ© par ses peurs et ses dĂ©sirs, aux nerfs tendus sous cette pression constante que seul le pouvoir ou les hautes responsabilitĂ©s savent appliquer. Vous devez comprendre facilement cela je pense.

  • Oui. Je me demande bien si celui que vous appelez votre patient nĂ©cessite vraiment l’intervention d’un psychologue. Il me semble… De très bonne constitution psychique pour supporter cela quotidiennement.
  • Il le semble en effet. Sauf qu’il a fait appel Ă  moi, et cela, compte tenu de sa fonction, n’est pas un acte anodin, loin de lĂ  : il a des secrets et des ennemis (qui n’en a pas Ă  ce niveau ?) et rien que de prendre contact avec un praticien peut ĂŞtre su et interprĂ©tĂ© comme une faiblesse. Alors la question qui se pose est : pourquoi ?
  • Un moment de doute peut-ĂŞtre ? Probablement quelque chose de temporaire et de peu d’importance. Il s’en rendra vite compte et vous laissera retourner Ă  votre cabinet, soyez-en certaine.
  • Peut-ĂŞtre… Et c’est une possibilitĂ©, sauf que dès notre premier entretien, il s’est appliquĂ© Ă  user de son extrĂŞme intelligence non pas pour me dĂ©router ou me repousser, mais contre lui-mĂŞme. Je vous Ă©tonnerais si je vous en donnais tous les signes. J’ai vite eu la certitude que cet homme Ă©tait en tourment; quelque chose, en lui, lui semblait si dangereux pour l’existence qu’il menait, qu’il s’est senti obligĂ© de me contacter, malgrĂ© ses apprĂ©hensions.
  • Je n’arrive pas Ă  Ă©prouver le moindre amusement Ă  votre histoire, Madame.
  • Je vous l’ai dĂ©crite comme passionnante, Amiral, ce qui est diffĂ©rent. Mais surtout le plus intĂ©ressant est qu’il a suffit d’une petite dizaine de minutes pour diagnostiquer une schizophrĂ©nie en phase ascendante. Elle s’est caractĂ©risĂ©e par plusieurs absences brusques et prolongĂ©es de ce patient, alors que des personnes Ă©taient prĂ©sentes sur le lieu de la rencontre.
  • C’est… C’est arrivĂ© plusieurs fois ?”

Un violent éclair zébra le ciel, illuminant la pièce une fraction de seconde avant de disparaitre dans un fracas sonore où vibra le verre des vitres. Plusieurs fois ? Mais non, c’est arrivé tout juste une.. Enfin, lui semblait-il ? Elle avait tout deviné, il se tourna vers le feu, les buches, l’âtre, la cheminée, ses yeux n’arrivaient pas à se fixer. La pluie redoublait dehors et un nouveau coup de tonnerre gronda au loin, assourdi par la distance.

“Vous ne prenez pas votre thé, Amiral ? Il risque de refroidir, ce serait dommage.”

Par réflexe il la regarda, hypnotisé par le regard de cette femme à l’allure pourtant si frêle.

“Je.. je n’ai.. En fait oui, je vais en prendre.” Et il s’efforça de prendre la tasse, malgré les doigts de ses mains glacées et rigides. Mais que lui arrivait-il ?

La psychologue se leva: “ Je pense que je vais prendre congĂ©, Amiral, je n’ai que trop pris de votre temps. L’orage semble s’éloigner et je ne doute pas que la pluie fera de mĂŞme. Vous fĂ©liciterez pour moi votre personnel. ” Et se penchant, elle lui tendit la main “…Et je vous remercie de votre hospitalitĂ©.” Plus spectateur de ses gestes qu’acteur, il la lui prit et la serra; la peau de ses doigts Ă©tait fine, douce, et la main recelait une chaleur qui lui manquait.

“Je.. B..Bon retour Madame Rorré.

  • Appelez-moi Calande, si vous voulez Monsieur le Ministre.” Elle lui adressa un  dernier sourire puis s’éloigna naturellement vers la porte laissant quelques volutes du parfum lĂ©ger tourner une ultime fois dans l’air. Dehors, la pluie semblait diminuer en intensitĂ©, et plus aucun coup de tonnerre n’était Ă  noter depuis quelques minutes; elle n’avait effectivement plus aucune raison de rester. La femme tourna la poignĂ©e de la porte, semblant en traverser le seuil au ralenti, quand : “…Calande !
  • Amiral ?
  • J’ai besoin de l’aide d’une personne… de confiance, en effet.”

La psychologue se raidit dans l’ouverture, semblant jauger sa phrase: “ Il vous faudra accepter cette confiance Amiral, j’ignore jusqu’à quel degré vous le pourrez ? ” Tout naturellement, Poféus se retrouva donc devant un choix: cette femme avait dévoilé d’elle-même une partie du problème, et il devait décider si elle en valait la peine. Méritait-elle d’en savoir plus sur sa personnalité profonde ? Jusqu’où avait-il le droit de se confier et jusqu’où pourrait-elle accepter d’entendre ?

Un nouveau morceau de buche se dĂ©tacha et, comme ses prĂ©dĂ©cesseurs, roula pour mourir en une gerbe d’Ă©tincelles contre la grille. Sorti du feu, il devenait froid et noir, n’ayant une existence que dans l’action et la chaleur; bientĂ´t le foyer s’Ă©teindrait et que resterait-il de lui… ou de PofĂ©us ? Allaient-ils partager le mĂŞme destin, s’enfoncer simplement dans le nĂ©ant pour ne jamais revenir ? Le Contre-Amiral aurait-il seulement conscience d’être… parti ?

Il ne se retourna pas vers la psychologue, se contentant de fixer le bout de charbon, mais sa décision était prise : “ Angilbe. Je me nomme Angilbe Poféus.

  • Alors je vous propose de nous revoir après-demain, Mr PofĂ©us, Ă  la mĂŞme heure et… dans les mĂŞmes conditions. Vous venez de faire le premier pas, nous pourrons peut-ĂŞtre vous aider. ”

Puis elle ferma la porte du salon feutré et s’éloigna, laissant le Contre-Amiral seul, assis devant un feu de cheminée finissant, une petite porte ouverte en lui. Tandis qu’une pluie fine léchait les vitres du salon, il ressentait le léger appel d’air chaud sur ses mains si froides.

Production: Podshows

Ecriture & RĂ©alisation: Raoolito, Icaryon, Andropovitch, Arthur R., Coupie, Quentinus15

Narration: Anna

Acteurs:

Pof (Poféus)
Coupie (Calande Rorré)

Compo: Ian

Montage: Richoult

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